Acte I : Une villa d’architecte singulière décorée à coeur joie

Elle ne passe pas inaperçue cette villa aux allures modernistes. Elle est l’œuvre d’un architecte clermontois qui a marqué la ville de son empreinte. Représentative d’une époque où le béton trouvait un supplément d’âme dans l’exigence de qualité, cette maison vit une deuxième jeunesse depuis 2004, grâce à sa propriétaire Patricia qui a su voir en elle le terrain de jeu de sa fantaisie. Bienvenue dans cette maison de famille décorée à cœur joie selon des partis-pris à la fois audacieux mais respectueux de l’esprit des lieux, qui fait d’elle un endroit unique. Comme le disait Blaise Pascal, autre personnalité bien connu des auvergnats, « Le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas. » Pourquoi être raisonnable en décoration ?

A l’origine, cette imposante bâtisse s’appelait « La Roseraie». Elle fut la commande d’un particulier à l’architecte Valentin Vigneron à l’initiative de plus de 300 bâtiments dans Clermont-Ferrand. Cet homme, inspiré par le style de son ami Auguste Perret a laissé son emprunte architecturale audacieuse, dans une ville marquée par la pierre de Volvic. Le témoignage de sa créativité de l’entre-deux guerres s’est illustré notamment dans des bâtiments bien connus des habitants de la ville comme le Prisunic, la gare routière, l’Hôtel Savoy mais aussi de nombreux immeubles et villas privées. Le « style Vigneron » est facilement repérable par exemple par le traitement de ses entrées, de larges corniches ou encore par des façades en pavés de verre. Son béton a osé inscrire dans le paysage urbain des lignes tendues, des colonnes tronconiques qui élancent sans vergogne les premiers niveaux vers des étages élevés. Épris d’une certaine sensibilité artistique de l’architecture, il ne manquait pas d’illustrer ses façades de sculptures ou bas-reliefs, de mosaïques en lave émaillées ou de dentelles de béton et de ferronneries.

C’est le cas pour la maison de Patricia et de sa famille. Dès que j’approche cette curieuse bâtisse, un portail en fer forgé puis une grande porte d’entrée, tous deux ornés d’une multitude de cœurs s’offrent à moi. Ce détail n’en fut pas un lors de la visite avant acquisition des futurs acheteurs. Ce serait un signe de bon augure, Patricia en était persuadée. Ces entrelacs attendrissants contrastent avec la silhouette imposante presque autoritaire de la demeure. Cette ambivalence sera présente tout au long de la visite. La rigueur des lignes et la démesure des proportions seront à chaque fois contre-balancées par des couleurs fortes, par la décoration imprévue et singulière choisie par la propriétaire des lieux.

Dès le seuil, on reconnaît la « patte Vigneron » et ses puissantes envolées de béton. Le premier qualificatif qui me vient en tête quand je lève les yeux est « intrigante ». Cette villa est inexorablement intrigante. Sous ses allures quelque peu rigoristes, fidèles aux convictions modernistes même modérées, se cache une maison à la personnalité forte, mue par un souci aigu des convictions fermes que son architecture s’était elle-même données…

Si Valentin Vigneron par son œuvre a illuminé le cœur de basalte clermontois, cette villa a illuminé dès le premier regard le cœur de ses propriétaires qui ont su la rénover en préservant son style.

En montant l’imposant escalier extérieur (digne des marches du palais des Festivals !), et en pénétrant le hall vitré, fidèle à certains hôtels de belle facture, on réalise que l’architecte maîtrisait l’art de la composition des plans et des élévations. Les espaces sont savamment distribués.

La maison a été pensée dès l’origine comme un petit immeuble, les propriétaires de l’époque ayant en location tout le deuxième étage. Commerçants, ils disposaient également d’un rez-de-chaussée dédié au stockage de leur quincaillerie. Patricia et sa famille ont imaginé une rénovation en réunissant tous les niveaux ; l’étage supérieur serait celui des chambres, le premier celui des pièces à vivre et des bureaux et le niveau inférieur jadis réservé aux outils et visseries deviendrait l’espace pour les amis.

Le premier étage est spacieux et lumineux. La pièce de vie est savamment meublée de pièces de design et de mobilier vintage : d’un côté une collection de « Togo » en cuir noir dessine le coin salon avec une note très masculine ;

de l’autre, un espace salle à manger très cosy aux accents plutôt sixties, ponctué de meubles de famille réconfortants. Le trait d’union n’est autre qu’une magnifique Pipistrello en conversation avec un timbre tuffeté anglais so british. Patricia aime disséminer dans son intérieur des pièces phares et déroutantes. C’est ce qui fait le charme de son style unique.

Les bureaux des propriétaires se jouxtent dans un style très différent l’un et l’autre. Ils reflètent respectivement la personnalité et les goûts de chacun. Ils se font face autant qu’ils se complètent.

Mais à ce niveau, ce qui m’a fait chavirer, c’est la cuisine. Quelle audace ! En poussant la belle double porte vitrée et ouvragée, on est comme happé par cette pièce. La couleur du sol mosaïque et la vue si dégagée nous aspirent littéralement.

La table et les chaises Tulip de Saarinen sont là telle une cerise sur le gâteau de la scénographie baignée de lumière imaginée par Patricia. Une terrasse filante surplombant la piscine n’est que le prolongement appréciable de cette cuisine haute en couleurs.

Pour accéder à l’étage, la pièce maîtresse de la conception de Valentin Vigneron est un escalier en colimaçon scandé par des pavés de verre, époustouflant d’originalité. Patricia l’a vêtu d’un violet qui lui impose toute sa noblesse. Elle a également paré murs et plafond de luminaires Lalique chinés, tout droit issus de l’Hôtel de Paris à Monte-Carlo.

Il dessert l’étage des chambres mais aussi le toit terrasse ! Il n’en finit jamais… de tourner. Il nous mène au septième ciel, sur une vue rare du Puy de Dôme.

Quel privilège. 360° de vue panoramique sur la ville et ses alentours.

Depuis les chambres, la vue est tout aussi idyllique surtout depuis la suite parentale dotée d’un dressing façon boudoir et d’une immense terrasse surplombée d’arches angulaires en béton.

L’atmosphère qui règne à l’étage des chambres est apaisante et réconfortante. Très colorée et vitaminée du côté des enfants, douce et précieuse du côté des parents…

A la fin de ma visite, je redescends les pieds sur terre en accédant au premier niveau dévolu aux amis, aménagé comme un appartement indépendant avec un accès privilégié à la grande terrasse en bois qui entoure la piscine.

Mais avant de respirer l’air frais, je passe très rapidement par une salle de sport entièrement vitrée, craignant être contrainte de faire quelques exercices physiques !

Rejoignant Patricia et son sourire sur un transat à l’ombre des parasols, loin du chahut de la ville pourtant à quelques dizaines de mètres, je réalise en la regardant qu’elle est aussi solaire et stylée que la décoration qu’elle a su choisir pour sa maison de famille depuis 20 ans.

Elle est la maîtresse d’un lieu qui lui ressemble. Elle me confie qu’elle a été séduite à l’époque par les cœurs ferronés de son portail. Elle a vu juste puisqu’elle a su faire passer à cœur joie cette demeure, témoin du XXème siècle, dans la modernité du siècle suivant en lui donnant un supplément d’âme, la sienne. Comme se plaisait à dire Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur. » La boucle est bouclée. Elle sait désormais qu’elle a le don de faire renaître n’importe quel lieu qui saura à nouveau croiser son chemin.

Merci infiniment à Aurélie (Maao Studio) de m’avoir suivie sur ce reportage pour prendre quelques clichés de moi…

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