Acte II : L'auberge Le Grand Couvert, là-haut sur la colline du Colombier


« J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline », déclamait Victor Hugo. Joe Dassin préférait y aller siffler. Moi, je prends un plaisir immense à dîner à l'Auberge Le Grand Couvert sur la colline du Colombier. Au bout d'un chemin, entouré de vallons et de prés surplombant la Loire, ce lieu unique orchestré par la famille Troisgros sait accueillir avec hospitalité, simplicité, élégance et délice. 



Entre Forez et Brionnais

  Cet endroit ne ressemble à aucun autre. A la limite entre Forez et Brionnais, on y accède du village d'Iguerande par une petite route sinueuse traversant Loire et canal, prés et champs. Les haies sont bien taillées et les courbes des vallons ondulent avec une incroyable douceur.




  A l'origine, un corps de ferme d'anciens bâtiments agricoles. Adossé, un ancien pigeonnier qui lui a donné son nom : la Colline du Colombier. Une imposante bâtisse s'en dégage ; elle abritait jadis troupeaux et réserves lors des grands frimas. Cette étable, appelée ici « grand couvert » serait le refuge idéal pour accueillir une auberge, Marie-Pierre et Michel Troisgros en étaient persuadés. Une fois rénové, l'ensemble assouvirait aisément leur rêve de campagne, un mode d'hospitalité nouveau, reflet d'une impression d'autrefois doublée d'une note contemporaine, le tout plongé dans une simplicité bucolique.




   

Une rénovation délicate

   Après une rénovation délicate confiée à l'architecte talentueux Patrick Bouchain qui a su respecter l'âme des lieux et faire en sorte que modernité et tradition se fondent l'une dans l'autre, le domaine a ouvert ses portes en 2008. Il comprend une auberge, Le Grand Couvert ainsi que des gîtes et des cadoles, surprenantes constructions sur pilotis permettant d'apprécier autrement la beauté et la quiétude du paysage. Je ne vous partagerai que mon expérience à l'auberge que je fréquente fidèlement avec bonheur depuis l'ouverture, même s'il m'eût plu de grimper ne serait-ce que le temps d'une nuit dans une de ces cabanes des champs décorées avec soin de meubles de designer !


   On ne vient pas ici par hasard. La première fois que je m'y suis rendue, ce fut sans conteste par pure curiosité. Enfant du pays, la simple évocation du prestigieux nom Troisgros m'a toujours fait frissonner. Tous les Roannais sont fiers de ce privilège. Jusqu'alors, je n'avais eu que l'occasion de déjeuner ou dîner au Central, la brasserie de la Maison et passer ma nuit de noce à la Grande Maison face à la gare. 









   

Un trésor au bout du bout du monde...

   A l'annonce de l'ouverture de l'auberge brionnaise, je n'ai pas eu à réfléchir longtemps avant d'y réserver une table. Cette première expérience fut mémorable. Tout d'abord, l'arrivée de nuit avec cette impression délicieuse de chasse au trésor au bout du bout du monde. Des lanternes indiquent enfin le parking de l'auberge, un braséro, la terrasse illuminée par une guirlande en farandole sur les muriers platanes.



 


Un décor champêtre et raffiné

   Une fois les manteaux déposés au vestiaire, c'est la découverte de la salle de restaurant entraperçue dehors par la large baie vitrée.



 Sous la haute charpente, pierres brutes, poutres et cheminée majestueuse plantent le décor champêtre, chic et épuré. L'ambiance y est feutrée et authentique. Le crépitement du feu de l'âtre fait écho au feu du braséro de la terrasse.



 Je suis tellement tombée amoureuse de cette atmosphère de soirée réconfortante, que je décidais ce soir-là d'octobre que je perpétuerais la tradition de n'y venir que les soirs frileux. Je ne doute pas qu'éterniser un repas sur la terrasse au bord de la mare ne doit pas être un sentiment exquis... mais j'ai toujours tenu cette promesse. 




  La cuisine ouverte sur la salle lui confère une douce effervescence et un esprit unique. L'espace est généreux, éclairé par de monumentales suspensions en lames de verre, signature de l'architecte, qui diffusent une lumière intime. 







  Les sièges rouge Bourgogne à l'allure intemporelle insufflent un vent de poésie contemporaine. Sur les tables, des sets de tables en forme d'oeufs marqués de la date du jour, sont un clin d'oeil, un symbole de la ponte quotidienne. La calligraphie du menu se décline au point de croix. Rien n'est laissé au hasard. Patrick Bouchain n'a pas succombé au décoratif pur. Less is more. Il n'a touché qu'au strict nécessaire, répondant à sa maxime « Tout changer pour que rien ne change. » 



  Les fenêtres encadrent la journée, une vue, un détail, que ce soit l'enclos des ânes, la mare aux grenouilles, un arbre ou tout simplement l'horizon. La nuit, elles paraissent comme un cadre contemporain qui vient ponctuer les murs de pierre et dialoguent avec les miroirs. 


  Une collection de vases orne la tablette de la cheminée me rappelant celle de ma grand-mère, cachée, elle, derrière un rideau secret et découverte avec ravissement après chaque cueillette de fleurs des champs. 




   

Un service impeccable

   Le service est toujours impeccable. Lors de ma première visite, je fus surprise par le ballet stylé des serveuses, toutes vêtues ce soir-là de petites robes noires et de converses de couleur. Leur simplicité et leur discrétion m'avaient fait penser, le temps d'une seconde, que les plats arrivaient du plafond par un jeu subtil de poulies ! Point de snobisme déplacé, juste un sens sincère d'hospitalité, fidèle à la tradition d'antan des campagnes. On y retrouve d'ailleurs des rites d'accueil, non sans me faire penser aux petites auberges de la région qui s'égrenaient alors le long de la Loire et que j'appréciais tant enfant, le dimanche soir, après la traditionnelle promenade familiale.



 Dès l'arrivée un petit verre de marquisette, un petit rien à grignoter juste pour le réconfort, et surtout l'institution de la soupe si réconfortante quand le givre nous nargue à travers la fenêtre. La soupière arrive, fumante, et le service est confié aux hôtes eux-mêmes. Ce geste familial et les saveurs qui se dégagent du plat créent une ambiance détendue et conviviale, convertissant même mes enfants au bonheur du potage et leur faisant  oublier qu'un menu complet arrive ensuite...



Une cuisine des campagnes

   La cuisine de cette auberge, à la tête de laquelle œuvre maintenant Léo Troigros est toujours une carte dédiée aux plaisirs de la cuisine charolaise mais twistée parfois à des saveurs d’ailleurs, inattendues. Elle est accompagnée d'une carte des vins justement sélectionnés par Lisa Roche. C'est tout simplement une cuisine des campagnes, à la base économe, locale et saisonnière. Je crois que c'est pour cette raison que je prends autant de plaisir à cette table. C'est l'allégorie des repas improvisés, des réserves, des conserves maisons de ma grand-mère, des provisions, des jardins, de la basse-cour de ma cousine, des casse-croûtes du dimanche soir avec un pain encore chaud tout juste sorti de la fournée de 17h du village, des rivières et des étangs, fidèle au retour de pêche de mon père revenant fier avec ses quelques truites ou sa friture ou de mes après-midi passés joyeusement avec mon grand-père à agiter nos petits chiffons rouges au bout d'une ligne et courant hilares aux quatre-vents à la poursuite de grenouilles peu décidées à finir dans nos assiettes ! 


  C'est également la cuisine des bords des chemins, de la cueillette si chère à l'alimentation paysanne : baies, fruits sauvages, noisettes, herbes sauvages pour les omelettes et champignons de toutes sortes. Quel bonheur de redécouvrir les saveurs de mon enfance ! Les poêlées de mousserons à l'ail et au persil. Que dire des salades de pissenlits... Je replonge immédiatement dans mes souvenirs, me voyant petite, armée d'un panier et d'un couteau, déracinant et cueillant ces herbes sauvages des prés, adoubée par un regard paternel bienveillant. 

  C'est enfin la cuisine de l'élevage charolais, celui des belles vaches à la robe blanche dont la viande est déclinée de mille et une façons, grillée, en pot-au-feu, en boudin, farcie ou en terrine.


  Pour les desserts, la simplicité et la tradition sont également de mise : souvent à base de laitage, d'oeufs et de fruits. Mon préféré, depuis le début est incontestablement la fameuse dariole au chocolat, star des petits plaisirs de cette table, talonnée de peu par les meringues crémeuses du chef pour accompagner le café.


  Alors bien sûr au Grand Couvert, la tradition campagnarde si joliment célébrée et ses recettes sont revisitées et sublimées par le chef Léo à la manière d'un grand professionnel selon des principes gastronomiques. Les recettes sont d'une finesse incroyable et d'une élégance rare. Elles rendent hommage avec délicatesse aux joyaux offerts par la nature environnante. 

  J'ai fait de cette adresse le lieu de tous mes anniversaires depuis presque 15 ans. J'y ai partagé d'autres moments intimes, en tête à tête, en famille ou entre amis. Je n'ai jamais été déçue, toujours surprise par des saveurs authentiques et des associations parfois audacieuses. C'est la signature des grands chefs. Les recettes resteront dans ma mémoire, à côté de mes émotions gustatives d'enfant. Respect à la truite fumée à l'oseille ou au saucisson au foin... Enfin si je ne devais élire qu'un seul plat parmi ceux-là, je choisirais sans hésitation le pigeon et foie gras à la Kiev qui a mis ce jour-là en émoi mes papilles!



   

Une nouvelle saison

   Le Grand Couvert vient de rouvrir ses portes pour une nouvelle et peut-être une ultime saison. Léo Troisgros et Lisa Roche ont en effet d'autres projets qui j'en suis sûre verront le jour avec succès. Il faut donc profiter pour l'heure des fricassées d'asperges voyage-voyage, du pastel de bar au bouillon de langoustine, des longes de veau à la menthe fraîche, d'une verdure d'escargots, d'une omelette soufflée, des escargots à la poudre du voyage ou encore d'une belle entrecôte poêlée. Quoiqu'il en soit, ce sera un régal. Je promets d'y retourner cette fois-ci pour y déjeuner et pourquoi pas en été !

  Ainsi depuis quelques jours, la Colline du Colombier s'est doucement réveillée, entourée des herbes craquantes des gelées matinales printanières, la brume en halo recouvrant la Loire. 



    Pour une saison encore, l'hospitalité enchantée du lieu jouera sa plus belle partition nous offrant son regard familial passionné sur ce terroir qui m'est si cher. Dans cette campagne verdoyante, dans ce paysage si paisible au-dessus des rives du fleuve, l'équipe, attentionnée, vous offrira un instant de poésie, un accueil sensible et sincère. C'est une adresse qu'on voudrait presque garder secrète mais qui mérite d'être partagée. La famille Troisgros a imaginé ce lieu et rend hommage au fil des ans à la campagne par leur cuisine. J'emprunterai pour ma part ces quelques vers de Maupassant qui résumeront bien mieux que je ne saurais le faire ma révérence à ces paysages de mon enfance et à la cuisine du Grand Couvert qui sait la célébrer.



« La terre souriait au ciel bleu. L'herbe verte

de gouttes de rosée était encor couverte.

Tout chantait par le monde ainsi que dans 

mon cœur. »




Le colombier
71 340 Iguerande
Auberge Le Grand Couvert : +(33) 03 85 84 07 24







Commentaires

  1. Sublime balade automnale dans le Roannais cher à ton cœur Giseleen2actes... Les papilles sont en émoi!

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire