Henriette à Cabourg, le temps de la Belle Epoque retrouvé
Coup de foudre : manifestation subite de l’amour dès la première rencontre. C’est le sentiment exact que j’ai ressenti devant ce nouvel établissement, Henriette. Point de maison à porte bleue, point de librairie de livres de voyage, point de Portobello road, ni de Spike d’ailleurs. Juste la mythique avenue de la mer à Cabourg et une pluie d’abat-jours orangés. Saperlipopette, j’ai eu un véritable coup de foudre pour la pluie de suspensions coutures que je découvrais alors. Je me suis promise d’y retourner vite et de goûter au plaisir du beau et du bon. C’est chose faite aujourd’hui et j’ai bien peur de succomber souvent à cette tentation et que cette adresse cabourgeaise ne devienne ma petite madeleine de Proust.

Ce restaurant nouvellement ouvert en mai 2025 remplace l’historique Hôtel de Paris. Il semble bien que sous l’égide de Clémentine et David Dumont, il vise l’excellence et l’élégance ainsi que le souffle léger d’un certain art de vivre à Cabourg. L’imposante bâtisse parée de colombage d’un vert onctueusement doux se fond dans le décor de la ville.





Sa façade anglo-normande nous plonge inéluctablement dans l’atmosphère d’antan des bains de mer et des villas Belle Epoque. A l’angle de cette rue, Cabourg-les-Bains, inauguré en 1855 semble retrouver le faste de ses temps bénis de villégiature où le beau monde se plaisait à s’y détendre.

D’ailleurs, c’est le cas de l’ancienne propriétaire de cette villa, Henriette Poincaré, première dame de France, épouse de Raymond Poincaré, président de la République française de 1913 à 1920. Cette femme était selon les dires joviale et chaleureuse, au caractère bien trempé sachant apprécier le bien-vivre et la jouissance tranquille des plaisirs de la vie.





Sa personnalité à la fois rassurante et pleine de vie donne l’impression d’avoir inspiré chaque détail de la décoration de ce restaurant un siècle plus tard, une décoration élégante, chaleureuse et vitaminée. Sans conteste, ce sont les suspensions magistrales de style art nouveau qui donnent le ton, gansées de franges assorties.



D’ailleurs, en les regardant, confortablement installée dans mon petit fauteuil crapaud, je laisse aller mon esprit vagabonder. Leur forme généreusement arrondie et galbée me fait penser aux costumes des danseuses audacieuses des années folles un soir de cabaret.

Je regarde par la fenêtre côté jardin d’hiver en attendant de passer commande. Là, sans folie aucune, j’imagine dehors des femmes passant devant le mobilier extérieur raffiné en robe longue se protégeant des affres du soleil avec une ombrelle et donnant le bras à des hommes vêtus d’un costume trois pièces et d’un chapeau haut de forme, prêts à rejoindre ensemble à deux pas le bord de mer, aujourd’hui fameuse promenade Marcel Proust.



A l’intérieur, le décor d’une modernité déconcertante décline avec raffinement et justesse l’ADN visuel du début du XXème siècle à la manière d’un Alfons Mucha. Le mélange des imprimés et des textures est un vrai ravissement. Au sol, la moquette marbrée converse sans complexe avec les authentiques carreaux de ciment.






Les bouquets de fleurs séchées contrastent avec les velours délicats des banquettes. Le gramophone trône avec effronterie à côté des desserts maison et surveille le ballet des serveurs et l’animation du bar.






Enfin le portrait d’Henriette Poincaré pavane sur le mur du fond rappelant à ceux qui voudraient l’entendre qu’elle est et restera la maîtresse des lieux.



Au final ce cadre au charme désuet ne fait que révéler un vrai plaisir des saveurs authentiques de ce restaurant. Cet espace raffiné ne pouvait que servir une cuisine française traditionnelle, précise, généreuse, ambitieuse dans le partage et la convivialité. Le chef d’orchestre de la cuisine est le chef étoilé Charles-Antoine Jouxtel.

Les plats de saison sont revisités avec finesse : réconfortant pot au feu, généreuse poule à la crème, fameuse choucroute de la mer ou moules de bouchot. Déclinés selon un semainier bien établi ou à la carte, ces plats mijotés peuvent se partager, pensés pour être dégustés ensemble, servis à la louche ou à la cuillère. Ils sont accompagnés de vins soigneusement sélectionnés par la sommelière Charlotte Schwab.


Chez Henriette, assurément, on ne plaisante pas avec la gourmandise et on peut difficilement ne pas « saucer » notre fond de vaisselle de grand-mère le tout dans une ambiance chaleureuse faite ce jour-là de pleurs de bébé et de bruits de louches dans la cocotte en fonte Staub.



Chez Henriette, on prend le temps, on cultive les instants précieux en famille, en amoureux ou entre amis. On vient avec joie déguster la cuisine du dimanche tous les jours de la semaine ! Et que dire des gourmandises de fin de repas ? L’authentique teurgoule rivalise avec l’aérienne île flottante aux amandes caramélisées proposée avec son caramel beurre salé servi à la louche…



Que penser également de la mousse au chocolat au sel qui croustille et son zeste de citron vert ,râpé à table, apportant une fraîcheur instantanée à ce dessert d’habitude conventionnel.


Et pour ne rien gâcher, le service est attentif, à la fois simple, sympathique, discret et élégant. Chaque service à le rythme d’une conversation.


Ainsi, j’ai trouvé à « Balbec » une adresse au charme fou. Henriette a su retrouver avec une élégante modernité le temps de sa Belle Epoque grâce à Clémentine et David. Marcel Proust affirmait : « Les vrais paradis sont les paradis que nous avons perdus. » Et bien n’en déplaise à Proust, Henriette sera dorénavant sur la côte fleurie mon paradis et je ne suis pas décidée à le perdre. D’autant que mon petit doigt m’a dit qu’un hôtel allait voir le jour à l’étage… à suivre sans perdre de temps !






Commentaires (1)
Anonyme
7 décembre 2025 à 18h10
Tu m’as donné envie de découvrir cet endroit ! Merci pour ta plume qui noys fait rêver, voyager, et saliver !
Bisous ma belle !
Agnès