Actes II : Le Pigonnet, havre romantique en pays aixois

Cette bastide élégante du XVIIIème siècle a traversé les décennies, a échappé lors de la débâcle allemande à sa démolition et a su pérenniser son charme pour mon plus grand bonheur. En 2014, cette véritable institution aixoise a changé de propriétaire. La famille Swellen, après plusieurs générations, a confié les clés de son écrin à M. Michel Halimi, à M. Christophe Lambert et au groupe « Esprit de France » qui ont entamé ensemble une vaste vague de rénovation des quarante chambres et des quatre suites. Leur volonté était de conserver l’esprit des lieux. L’acteur propriétaire avoue avoir désiré « ressusciter l’âme du Pigonnet ».
Des portraits de personnalités surveillent les lieux, le sourire aux lèvres, et témoignent que même lorsqu’on est une star, et ce n’est pas mon cas ( !), on peut, en toute discrétion et simplicité, partager entre amis des instants vrais de la vie.
A cette seconde précise, j’aurais envie que les murs me confient les secrets partagés de ce lieu en présence de ses invités les plus célèbres : Pablo Picasso, Serge Gainsbourg, Clint Eastwood, Jacques Chirac, Catherine Deneuve, Lenny Kravitz… pour ne citer qu’eux ! Je me sens bien et cette illustre liste, bizarrement, ne m’impressionne pas car le salon est raffiné mais simple et invite tout un chacun à se poser et savourer un bon moment, et ce ne sont pas plus Edouard Baer, Sandrine Kiberlain, Marion Cotillard, Guillaume Canet, Fanny Ardant, Mélanie Doutey, Jean Dujardin, Elsa Zylberstein ou encore Lambert Wilson, encadrés tout autour de moi, qui me diront le contraire ! Ils semblent plutôt me chuchoter à l’oreille : « Prends tes aises, prends ton temps, ici tout le monde quel qu’il soit est considéré comme un personnage unique et précieux ».
Les couloirs des étages sont feutrés, les moquettes sont épaisses, les étoffes aux murs raffinées, les lumières douces.
Les œuvres d’art contemporaines qui scandent les murs rappellent aux meubles d’époque que Le Pigonnet est bel et bien de son temps, celui du XXIe siècle.
Je déambule, m’aventure par-ci, me promène par-là.
Le choix des étoffes et du linge de lit est audacieux mais réussi.
Les placards rappellent l’esprit bastide et la couleur, l’ocre des carrières de Provence.
Mais ce qui happe mon regard est au dehors, c’est le jardin en arrière-plan. J’ai l’impression que le vrai luxe de cet hôtel réside là, derrière cette fenêtre.
Je poursuis tout de même ma visite dans une deuxième chambre et même si l’esprit est le même que dans la précédente, je suis ravie de découvrir qu’elle a une autre identité et que les propriétaires n’ont pas céder à la tentation de l’uniformité.
Plus spacieuse, elle offre une ambiance épurée, plus sobre, peut-être plus masculine aussi, en tout cas très élégante. Je ne sais pas si la canicule du jour m’incite à apprécier davantage les tonalités fraîches et bleutées de la pièce, mais elle obtient immédiatement toute mon affection. Et une nouvelle fois, je perçois le jardin, je le ressens, tapi tout près. Je dois en avoir le cœur net. J’ouvre en hâte voilages et fenêtres : il est là, majestueux et charmant, démesuré et intime, omniprésent et pourtant discret.
Je ne peux plus attendre, j’emprunte l’escalier ancien d’époque et tout en progressant, impatiente, je fredonne sans honte la comptine, elle aussi d’époque, « J’ai descendu dans mon jardin… ».
Je ne sais pas si je vais y trouver des « gentils coquelicots Mesdames », mais du romarin, certainement, à moins qu’il ne s’agisse de menthe fraîche cultivée dans une baignoire dorée pour les besoins de la cuisine ou des mojitos!
Je traverse la très lumineuse salle de restaurant en forme de rotonde, ouverte sur l’extérieur, et je m’arrête net, émerveillée par les ombrages des arbres centenaires, les petits salons disséminés de-ci de-là, et apaisée par le silence. Cher silence, pourtant en pleine ville d’Aix-en-Provence, à quelques encablures seulement de l’autoroute, c’est à ne rien y comprendre.
C’est magique, féérique, rare et comme tout ce qui est rare, d’autant plus précieux. J’arpente désormais les allées de cet îlot de nature préservée.
Je m’enivre de ses senteurs multiples. Je comprends mieux le peintre Cézanne qui venait ici pour peindre cette chère montagne Sainte-Victoire, laquelle dévoile, pudique, au loin sa silhouette.
Je me sens toute petite d’un coup et me souviens que les Impressionnistes en leur temps expliquaient : « Il faut que les yeux soient émus ». Les miens le sont, assurément, et avec eux tous mes sens en alerte.
Je m’offre alors un petit moment rien qu’à moi sur les banquettes du bar « Côté Jardin », près de l’une des multiples fontaines.
Mais je ne suis pas seule… Me rejoignent dans ce décor végétal Hugo qui me fredonne son poème Le papillon et la fleur, Berlioz qui joue rien que pour moi les notes de ses Nuits d’été et même ce cher Charles Trenet. Car oui, « C’est un jardin extraordinaire » comme il aimait à le chanter. Certes, il n’y a pas ici de canards qui parlent anglais, mais si l’on y est attentif, on trouvera la grenouille de l’artiste Gilles de Kerversau, qui philosophe ou pourquoi pas un sanglier pacifiste!
Moi, j’ai tout de même hérité de la lumière de l’été et en la matière, je ne suis pas lésée… Le plaisir dans cet océan de verdure de 1,5 hectare, c’est que chacun peut trouver à son aise un petit endroit, son petit endroit, pour s’y assoupir, lire, converser, plaisanter, partager une partie de pétanque entre amis, peindre ou déjeuner.
Et l’expérience culinaire est à la hauteur du cadre de la Table du Pigonnet. Les mets que j’ai dégustés sont la signature du chef cuisinier Thierry Balligand.
Ses recettes originales sont inspirées, bien sûr, des saveurs provençales.
Son duo de foie gras de canard, crème d’oignon caramélisée aux fruits rouges rivalise avec la lotte rôtie au melon, espuma Porto, crème d’avocat et chips de jambon cru pendant que sa fraîcheur de gambas, cromesquis de mozzarelle et tartare de tomates jalouse le rouget de Méditerranée au jus de bouillabaisse et croutons de rouille ou encore le divin risotto à la truffe d’été.
La cerise sur le gâteau est pour moi le soufflé aux fraises des bois et sa crème glacée au thym du chef pâtissier Kévin Duthel, aussi poétique que le clapotis des fontaines, aussi délicat que le service irréprochable et plein d’attention.
Je me rappellerai de l’authenticité de la bastide du Pigonnet en son sein, de l’élégance et de la chaleur de sa décoration, de ses petits salons intimes et de ses chambres, de la gentillesse et de la discrétion du personnel de direction, d’accueil ou de service, mais je garderai surtout en mémoire la quiétude et l’émotion que j’ai ressenties en flânant dans les allées de son jardin. Je laisserai le dernier mot à M. Christophe Lambert, l’un des gardiens de ce havre romantique en pays aixois, qui déclarait en interview à son propos :
Commentaires (4)
Unknown
19 août 2018 à 9h54
Excellent reportage, mots justes , on ressent l'émotion qu'a procuré ce lieu qui semble divin à l'auteur de ces images sublimes et à la qualité des commentaires ! Bravo et puissions nous un jour nous y rendre pour savourer la douceur de vivre en cet endroit !!
Anonyme
23 août 2018 à 5h41
En lisant l'article on a l'impression d'y être un peu … Merci merci pour cette magnifique évasion !!
Unknown
23 août 2018 à 7h03
Excellent cet article ou s'entremêle des références historiques qui laisse au lecteur tout loisirs de rêver un instant. Toute cette émotion ressentie , ces couleurs et ces photos sont une invitation au voyage. J'espère pouvoir m'y rendre un jour. Merci beaucoup pour cette écriture tout en finesse.
personne
16 septembre 2018 à 19h01
Bravo, cela donne envie de partir….