Acte I : Une Maison de campagne si Particulière
« Demain dès l'aube, à l'heure ou blanchit la campagne, je partirai ». Je partirai visiter cette maison de campagne si particulière. Aujourd'hui, Victor Hugo m'accompagne dans ma virée normande. Je suis impatiente de commencer l'année par la rencontre avec Alexandra, architecte d'intérieur et décoratrice et par la découverte de sa maison nichée dans ce paysage alangui, préservé, valloné. Chez elle, campagne rime avec style.
"LA" maison de campagne rêvée
En ces premiers jours glacés de janvier, la campagne blanchie s'est éclaircie ce jour d'un soleil radieux. C'est de bonne augure. Je navigue à vue, suivant les routes et les sinuosités des derniers kilomètres et profitant de la bulle planante de l'habitacle de ma voiture dans laquelle je me suis réfugiée durant le trajet. Je descends, impatiente. Je me laisse à cet instant bercer par les doux mots de Marie-Sabine Roger. « Je tends l'oreille et j'écoute l'hiver. Il fait un bruit de gel qui avance et s'étend peu à peu, de givre qui m'entoure et fige mon haleine. Même le vent est blanc je crois. »
La maison est composée de plusieurs bâtiments de ferme en pierres. Elle est entourée d'un jardin bucolique. Elle incarne l'image même de LA maison de campagne par excellence. Même si je me doute que sa parure de printemps ou d'été, verdoyante et fleurie, doit lui aller à ravir, ses habits d'hiver blanchis par le givre lui donne un accent délicieux. A l'arrière de la maison, les larges baies vitrées aux huisseries métalliques de la salle à manger et de la cuisine lui confèrent une allure modernisée.
Alexandra m'invite à entrer. Je ne sais pas si c'est son sourire ou l'atmosphère qui règne dans cette maison mais en une seconde un bien être m'envahit. Certainement les deux.
Une pièce à vivre enveloppante
Une douce chaleur me prend. Le thé au coin du feu, gentiment offert par Jean-Louis ne fait que confirmer cette sensation. D'ailleurs tous mes sens s'éveillent...
La vue sur ce salon si enveloppant, la ferveur rassurante du foyer, la discrète fragrance de l'eau purifiante de chez Hozho, le moelleux fondant du fauteuil vintage Marsala dans lequel je me suis littéralement répandue et le goût du thé gourmand qui tapisse ma gorge glacée. Conversation. Plaisir. Partage.
Je décide de faire fi du manque de lumière de l'hiver et de ses journées trop brèves pour profiter pleinement de l'instant présent semblant s'échapper du réel, de l'atmosphère si particulière de ce lieu, presque chimérique. Je musarde avec délice dans le salon et la salle à manger. L'âme des vieilles pierres s'est affranchie du passé par la douceur de la peinture à la chaux, par les œuvres d'art comme ce tableau « bouche » de l'artiste sicilien Sergio Fiorentino, par la douce couleur de la bibliothèque dessinée par Alexandra accueillant céramiques et objets artisanaux, par les tissus chaleureux et vaporeux des canapés et coussins, par l'allure XXL de la table basse Margaret Edition ou enfin par la tonalité sombre et rassurante du plancher. Léon, le chat de la maison ne s'y est pas trompé et s'emmitoufle au coin du feu sur le canapé pour son shooting d'hiver.
Cet écrin de douceur et d'équilibre mêle un confort sans pareil, un esthétisme sûr et une convivialité insufflée par la grande table à manger Allegria, tout droit sortie de la collection de meubles de Maison Particulière en collaboration avec les ateliers Héphaistos. Epousant des formes organiques, cette table propose une véritable scénographie ouverte, un décor personnalisable à souhait au gré des envies qui théâtralise les repas avec fantaisie. Le dédale des petites pièces d'antan à laissé place à cet espace plus que généreux ou le métissage des styles et des matières s'est adoucit avec les anciennes poutres conservées et blanchies alors que la cheminée du XIXème siècle s'est elle fardée de noir pour plus de contraste et de singularité.
Une cuisine réconfortante
Il n'y a pas que dans le salon que l'on est passé en mode hiver et frimas. La cuisine n'est pas en reste. On a sorti la fourrure pour adopter le mode cocooning. Sous l'oeil avisé de Tante Adélaïde, l'espace est divisé en deux, comme une enfilade avec un vrai mélange des genres.
La partie « technique » où se mitonnent les bons petits plats est ouverte sur la campagne avec une large fenêtre, comme un tableau sur la nature. Les éléments contemporains et épurés sont contrebalancés par le sol plus brut et la peau de vache bicolore. Le côté dinatoire placé un peu comme dans l'arrière boutique aveugle d'un ancien commerce prend d'avantage l'allure d'un cocon, enveloppé de douceur et de style par le papier peint de Laur Meyrieux. La peinture à la chaux « Puce » d'une délicatesse rare s'accorde à merveille au meuble de métier.
La décoration de cette pièce est réconfortante et traduit un certain art de vivre, voire un vrai sentiment de joie de vivre tant l'harmonie du lieu est maîtrisée. Cette cuisine inverse tous les codes et donne le sentiment d'être dans un « hors lieu ». Ni cuisine, ni salle à manger, ni laboratoire, simplement un lieu de convivialité suprême.
A bien y réfléchir, ce rez-de chaussée est presque tactile. On a envie de caresser les murs et les peaux de bête, effleurer les canapés, s'emmitoufler dans les plaids, cajoler les coussins, étreindre les tapis ! Et cette envie irrépressible ne va pas s'atténuer à la visite des chambres de la maison qui témoignent assurément d'un goût d'ailleurs... Chacune d'entre elles est une invitation au voyage, tantôt onirique, tantôt ethnique. Toutes d'une singularité folle ! Toutes habillées de couleurs et d'atmosphères différentes sans nuire à une unité filante.
Les chambres, comme une envie d'ailleurs
La première est en fait la toute dernière imaginée par Alexandra, sa dernière création. Avec un accès direct sur le jardin, elle en épouse la poésie.
Outre des objets marquants, souvenirs de voyage, comme cette splendide porte d'Inde qui, plus on s'approche, plus nous dévoile des secrets chromatiques et sculpturaux d'une infinie beauté, la pièce maîtresse en est la tête de lit réalisée sur mesure par Marie-Levêque céramique. Que dis-je ? Une œuvre d'art.
De mémoire de passionnée de décoration, je n'en avais jamais vu de telle... Les murs enduits de chaux ferrée, huile de lin de chez Ressources, se marient savoureusement avec le tapis onctueux de la maison « Chez nous campagne ».
Les rideaux et linge de lit de chez « Maison de vacances » n'inspirent que la douceur. La cheminée, que le lâcher prise.
A l'étage, les autres chambres se déclinent également comme des hymnes à la paresse et à l'évasion, emplies d'une ambiance chaleureuse et métissée.
Quand l'une nous promet une expérience poétique, intime et bucolique avec sa balançoire « Madame Stoltz », son tapis Le Monde Sauvage, son triptyque « Gayana » de chez Alphonz et son plafond haut de 7 mètres couleur « thé de Chine », l'autre nous prédit une sorte de langueur douce et rêveuse sous une pluie de suspensions qui ne sont pas moins que d'anciennes nasses de pêcheurs chinées...
Dans l'autre aile, trois autres chambres de déclinent dans le même esprit mais celle des propriétaires attire mon attention car prétend à une forte personnalité en enfilade.
Accueillant dans un esprit «black box » plus feutré que jamais, elle propose un petit salon, une salle de bain à l'esprit boudoir teinté d'un gris-bleu sourd et enveloppant, agrémentée d'appliques de chez Maison Sarah Lavoine et d'un tissu froncé un brin campagne du Monde Sauvage, et en arrière plan l'espace nuit.
Les tableaux en symétrie de CFOC s'imposent comme des piliers de la décoration tout en mettant en valeur l'emblématique fauteuil en cuir de Pierre Paulin. L' «Idylle sous les toits » n'est donc pas qu'une simple promesse...
Finalement, définir cette maison n'est pas chose aisée. J'hésiterais entre « cottage », « concept-house », « maison de campagne countrifiée » prétendant à une manière bien particulière d'habiter et de recevoir, à la fois simple et élégante. Ce nouvel art de vivre invite à renouer en beauté avec la nature et les plaisirs simples tout en évoquant un style élégant et raffiné. L'âme des vieilles pierres n'a pas été bafouée par la décoration d'Alexandra. Dans sa quête esthétique raffinée, elle a su tempérer, adoucir et jouer avec l'équilibre entre passé rural et présent contemporain. Chaque espace est dédié à un quotidien sublimé.
Cette maison si particulière est l'oeuvre façonnée par un couple passionné d'art, épris de voyage et qui a su composer cette bâtisse comme un écrin pour se protéger du monde, un rempart à la vie trépidante de Paris qu'ils continuent de fréquenter activement, une annexe gardienne de leur intimité et celle de leur famille. Comme l'affirmait Jules Renard : « La campagne se prête à toutes les divagations du rêve ». J'ajouterai que ce jour-là d'hiver glacial, la maison de campagne d'Alexandra, si particulière, a su me faire vagabonder dans des songes harmonieux les plus fous.
Un grand merci pour cette parenthèse hors du temps que cet article sensuel et généreux nous fait partager.
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