Archi beau : La villa Les Rhumbs à Granville, le berceau et la muse de l'illustre Christian Dior

Il est une maison, sise à flanc de falaise, dominant la Manche qui a vu grandir un des plus grands créateur de notre temps : Christian Dior. Il a grandi dans l'atmosphère protectrice et raffinée de cette villa anglo-normande abritée des vents et des tourments du grand large. Aujourd'hui devenue musée dédié à son œuvre et son talent, le seul en France consacré à un couturier, elle nous offre les portes de son intimité nous permettant de mieux comprendre ce qui a pu éveiller la sensibilité d'un jeune garçon grandissant dans cet écrin et vivant sa plus belle vie à la Belle Époque. Visite d'un lieu extraordinaire, inspiration d'un homme extraordinaire...

A flanc de falaise

 « La maison de mon enfance, j'en garde le souvenir le plus tendre et le plus émerveillé. Que dis-je ? Ma vie, mon style, doivent presque tout à sa situation et à son architecture ».

 

La meilleure expérience que l'on puisse faire d'une visite aux Rhumbs est d'arriver par la promenade du Plat-Gousset m'avait-on dit. J'ai donc emprunté le petit escalier creusé dans la falaise après avoir marché, cheveux aux vents, le long de la Manche, ébahie par les couleurs et l'impression à la fois d'immensité de l'horizon et d'impasse insufflée par les falaises. 

 

Christian assista d'ailleurs sa mère lorsqu'elle voulut ouvrir le jardin sur ces falaises, au-delà des grilles de la propriété, y installant des pierres de rocaille et des pins que l'on peut voir aujourd'hui encore fièrement dressés contre vents et marées. 

 



Après une ascension assez abrupte, elle paraît, fière et colorée, cette villa construite à la fin du XIXème siècle. 



Son audacieuse façade rose et grise n'est pas sans nous rappeler le fameux gris Dior souvent accompagné par ce rose si doux qui sont les teintes de prédilection de la Maison Dior. Tout s'explique... 

 

Le jardin du Bonheur



Aujourd'hui jardin public, il offre à qui veut la possibilité de déambuler dans les allées sur les pas du petit Christian que l'on imagine aisément se perdre, explorer, détailler chaque fleur, humant chaque fragrance de cet écrin végétal que sa mère, Madeleine, a pris soin de composer.

 

A son échelle, ce jardin devait être le pays du bonheur, un véritable refuge réconfortant, à l'abri des tourments et de l'agitation, alimentant ses rêves idylliques d'enfants et inéluctablement son destin. Dans ses Mémoires, il se confie ainsi :

« Isolés dans notre propriété comme dans une île, loin de la basse ville livrée au commerce, nous ne voyions pratiquement personne. Cet isolement convenait à mes goûts ».



Je décidai de me perdre comme lui dans les allées sans vraiment jamais quitter le maison de vue, pour moi comme une élégante boussole. Ce jardin, tel un balcon sur la Manche, offre une vue époustouflante sur l'horizon. 

 

Il donne à la fois l'impression de dominer les éléments tout autant que d'y être soumis. Sentiment paradoxal que de s'y sentir choyé et à découvert.

« La propriété surplombait directement la mer et elle se trouvait exposée à tous les tourments atmosphériques, à l'image de ce que serait ma vie ».

Dans ce « Jardin des délices » se succèdent bassin, pergolas, roseraies et autres chambres de verdure où s'épanouissent à foison les fleurs, leurs couleurs et leurs parfums. 


 






 
 
 

Ce décor végétal a été imaginé par Madeleine qui n'hésita pas à faire venir des tonnes de terre pour mettre en œuvre ce projet de jardin luxuriant. Elle y fit planter des arbres que Christian connut petit et qui ont poussé avec lui, ainsi que mille et une roses. Ces trésors l'ont inconditionnellement nourrit. D'ailleurs Christian s'imaginant architecte se plut à concevoir les plans de la pergola et du bassin aux nénuphars. C'est bien une composition à quatre mains que ce éden.

« Je me plaisais surtout dans la compagnie des plantes et des jardiniers ».

Cet amour des fleurs se retrouvera dans ses créations futures, notamment dans ses robes par leur forme, leur grâce, la fragile perfection de leur coupe, les tissus et leurs imprimés, les graciles broderies mais aussi dans les parfums. Créer des fragrances devint pour lui rapidement une nécessité. Le tout premier, Miss Dior fut un hommage à sa sœur Catherine.

 



 Diorissimo, son préféré une ode à la délicatesse du muguet. Finalement, ses parfums ont prolongé le lien immuable entre lui et ses fleurs chéries.


« Je dessinai des femmes-fleurs, épaules douces, bustes épanouis, tailles fines comme lianes et jupes larges comme corolles ».

 

Sa vie entière, il sera à la recherche de ce jardin perdu, dans ses créations et dans les maisons où il vivra... 


Un cocon fantasmé

A l'instar de ce jardin, véritable métaphore pour lui de la vie sur Terre, la maison inspira également le jeune garçon. L'extérieur et l'intérieur ne cesseront à l'unisson d'alimenter ses rêves. La famille y emménagea lorsque Christian n'avait qu'un an. Il vivra dans ce cocon avec ses frères et sœurs jusqu'en 1930.

 
C'est dire si l'atmosphère et les secrets de cette bâtisse l'ont aidé à écrire la partition des premières années de sa vie en ancrant définitivement celui qu'il deviendra adulte.




Même si aujourd'hui elle est devenue musée, lorsque l'on y pénètre, subsiste l'esprit du lieu, enivrant et presque frénétique. Dès le vestibule et le majestueux escalier, des fresques japonisantes accueillent les hôtes, sa « chapelle sixtine » comme il se plaisait à dire. Dans les différents salons, les styles se chahutaient à l'époque: Louis XV, Second Empire... Il faut bien avouer que sa mère, issue d'une bourgeoisie rigoureuse donna à cette maison un lustre que bien peu de bâtisses alentour ne connaîtraient jamais. Il a hérité de sa mère, en plus du goût pour les jardins, celui de la mode et de la décoration. Le raffinement de ses choix l'ont nourrit. 

 

 

Par exemple le papier moiré jaune du petit salon des Rhumbs, il le choisira à l'identique pour sa maison à Paris. La sobre élégance du style Louis XVI de l'hôtel particulier du 30, avenue Montaigne, rappelait celle du grand salon, du bureau de Maurice Dior, son père, du jardin d'hiver du rez-de-chaussée, du muguet, des roses... Christian Dior aura à cœur, toute sa vie à en recréer l'atmosphère et le charme dans les maisons de sa vie : à Paris, Milly-la-Forêt et Montauroux.

 

Le style Dior

Finalement en créant la Maison Dior en 1947, ce sont tous ses souvenirs rêvés, fantasmés de Granville qui ont été révélés. 

 

 
 
 

 
 

La beauté de ses jardins, l'élégance aimante de sa mère dont il ne cessera de s'imprégner pour magnifier le corps des femmes, flattant à merveille leur port et leur silhouette, la beauté chatoyante des intérieurs de la villa mais aussi et surtout de la vie dans cette maison.





La vie avec sa famille, mais également tout le personnel y affairant. D'ailleurs le petit garçon qu'il était dans ses douces années se confiera sur le plaisir qu'il avait de guetter, d'observer, de jouer au milieu des couturières et des femmes de chambres de la maison qui lui racontaient des histoires de diables, lui chantaient la douce rengaine de « L'hirondelle des Faubourgs ». 


« Le crépuscule s'étirait, la nuit tombait et je m'attardais, regardant les femmes manier l'aiguille autour de la Lampe à pétrole. »

Il n'y a donc pas de secret. Tout s'explique. Granville et les Rhumbs ont eu le premier rôle dans le film de sa vie et de son destin artistique. Monsieur Dior a porté très haut, dans ses sublimes collections le goût et les souvenirs de ses jeunes années, son paradis perdu « des nuits de tempête, de la corne de brume, du glas des enterrements et du crachin normand » ; mais aussi de l'affection de sa mère, de ses frères et sœurs et de ses amis Granvillais. Homme trop rapidement disparu, le style Dior, lui, s'est perpétré grâce aux directeurs successifs. 

 



Peu de maisons de couture ont survécu à leur créateur. Plus rares encore sont celles qui en ont conservé l'esprit. 

 

Cet esprit, c'est implicitement celui des Rhumbs, le berceau et la muse de cet illustre génie.



 
 Villa les Rhumbs
Rue d'Estouteville
50400 Granville
 



 

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