Acte I : Dans l'antre discret d'un potier, entre authenticité et originalité
« J'ai ancré l'espérance aux racines de la vie », déclamait Andrée Chedid... Ces vers résonnent en moi et illustre parfaitement le profil de Marc, un homme d'ancrage, profondément attaché à ses racines, racines de la terre à deux niveaux : celle de ses aïeux, harmonieuse et paisible mais aussi la terre en tant que matériau, source de ses créations artisanales depuis toujours. Découvrons ensemble son antre discret et singulier ainsi que son atelier sis à deux pas à travers les champs.
Un territoire, un état d'esprit
Tout est né d'un terrain familial, d'anciennes terres à vignes. Mais dès le début, ses parents tout comme lui, savent qu'il s'agit là de bien plus qu'un simple terrain, c'est un territoire qui représente un état d'esprit parfaitement accordé à sa famille. C'est là qu'est la maison familiale à la prestance d'une maison bourgeoise mais que sont aussi des dépendances qui deviendront atelier et boutique.
Mais c'est aussi là que s'étend une campagne à perte de vue, bucolique et rassurante où Marc se plait, enfant, à jouer, à regarder travailler son père, à rêver, à faire des cabanes. Cette nature se métamorphose aux quatre saisons et chacun de ses visages lui plait sans préférence : genêts au printemps, graminées et ronces à mûres l'été, feuillage des marronniers à l'automne et givre, neige même parfois l'hiver.
Ces terrains, en surplomb au-dessus de la ville et dominés par les monts voisins, lui font se sentir libre. C'est ici qu'il construirait sa maison, qu'il créerait ses poteries, qu'il vivrait avec Valérie, sa femme, dans un univers emprunt de liberté, de simplicité et d'originalité. J'ai rarement visité une maison qui ressemblait autant à ses propriétaires.
Là et nul part ailleurs
Il a fallu déjà choisir l'emplacement idéal dans ce coin de paradis et Marc n'avait que l’embarras du choix. Il savait au fond de lui que ce serait là et nulle part ailleurs, lové au pied du chêne, là où il passait du temps dans ses cabanes, libre et à l'abri des regards. Sa maison, il l'a voulu inspirée des maisons en bois d'Amérique du Sud, discrètes, simples, sans ostentation aucune et faciles à vivre. Elle s'intègre parfaitement au cadre, elle surplombe sans s'imposer. Elle domine sans déranger.
Il n'y a pas un moment de la journée où le paysage n'est pas beau. On peut suivre la course du soleil à l'envie.
Le fait que le terrain soit sans limite apparente insuffle une impression d'infini et de liberté, une impression de pampa, au milieu de grands espaces vierges. L'aspect sauvage des herbes hautes et des arbustes converse sans vergogne avec le style plus discipliné du golf contigu.
Dans ce jardin perpétuel, une multitude de petits coins charmants se propose : ici une chaise longue sous les pins, là une bouée en guise de balançoire... Mais on peut improviser tant d'autres nids pour méditer, pourquoi pas sur les marches des roulottes...
On a également le choix entre deux terrasses aussi accueillantes l'une que l'autre. Une première se situe dans la continuité de la cuisine, protégée par un voile d'ombrage. Notre regard y est happé par la vue dégagée.
On se croirait presque sur la terrasse conviviale d'une paillote dans le sud, la terrasse intime d'un bistrot en Grèce ou un village perché d'Italie. Grâce à la grande vitre relevée à la manière d'une échoppe, on peut converser aisément avec celui qui cuisine ou qui prépare l'apéritif.
L'autre terrasse, tout en bois, nous réserve une toute autre ambiance : celle d'un balcon d'estancia en Patagonie !
Si les chaises manquent, on n'a qu'à se servir et en décrocher une des poutres du plafond !
La myriades de pots, la vigne, les fleurs entourent et réconfortent la maison et ses terrasses. Des milliers de détails s'insinuent dans le décor comme des carreaux vernissés, des poteries, des statuettes.
Un supplément d'âme
A l'intérieur, même charmant constat. L'ensemble est chaleureux et harmonieux dès le premier coup d'oeil mais ce qui est passionnant c'est que ,si l'on commence à arrêter le regard, à tout instant il sera posé sur un détail, un objet qui raconte une histoire, de potier pour Marc, une envie, un coup de cœur de design pour Valérie.
Et ce tout bigarré forme, contre toute attente, un ensemble cohérent et une ambiance que l'on n'a très vite plus du tout envie de quitter. Ici les codes esthétiques et les diktats de la décoration sont proscrits, la liberté est de mise. Liberté de choix, d'association, de mises en scène. Il faut dire que le théâtre de leurs envies est spacieux. Les fermes apparentes de la charpente imposent un volume agréable et la chaleur du bois authentique et brut laisse la fantaisie décorative faire son show.
C'est l'espace salon qui a le premier rôle tant il illumine par ses couleurs vitaminées, la vue dégagée sur la campagne environnante et la silhouette de la ville la plus proche. La pièce maîtresse de l'espace est ce graf de la peintre muraliste M. Dangeloo.
Le pari d'installer une œuvre de street art est osé mais tellement réussi, surtout si ce qui l'entoure s'harmonise à merveille. Oser une pièce phare dans sa décoration intérieure permet d'avoir une décoration unique et les couleurs punchy apportent un supplément d'âme.
Couleurs audacieuses et objets fantaisistes se retrouvent en effet par touches dans toute la grande pièce à vivre : bougeoir vintage d'Ikea, fleurs de géranium, pichets en scoubidou, tableau de Thomas Gonzales, plafond de la cuisine, crédence du piano de cuisson, et même deux portraits de Barbie et Ken !
Les pièces de poterie d'artistes, de poterie utilitaire ou décorative sont également disséminées à l'envie : le chien de Jean-Raymond Meunier, les céramiques de Jérôme Galvin, les dames carafes de Sampigny, les personnages stylisés de Jean-Jacques Bernard pour ne citer qu'eux mais également toute la vaisselle exposée dans l'étagère de la cuisine.
A l'heure de gloire de la vaisselle dépareillée, ces collections d'assiettes, de bols et autres récipients font le bonheur de leurs convives !
La cuisine si charmante, ouverte sur l'horizon est unique et chaleureuse. Elle regorge aussi de mille trésors...
Enfin, et ça, c'est la touche de Valérie, on remarque du mobilier ou luminaire design de grands noms savamment et mis en scène au milieu de matériaux chinés, ce qui finit de donner du style à cette décoration éclectique ;
c'est comme un savant mix and match version XXL qui me ravit... Jamais de déception, juste un plaisir infini des yeux. Assurément c'est une maison accueillante, pleine de surprises et fidèle à ses propriétaires. Telle une œuvre d'art dont on ne se lasse pas et pour laquelle on prend un malin plaisir à vouloir déceler tous les secrets, cette maison, « basique, simple » à première vue n'est que délice et ravissement à l'intérieur. Selon les dires de Marc, la poterie lui aurait appris la liberté et l'aurait autorisé à en faire usage. Pour sûr, il en a fait usage dans l'agencement et la décoration de sa maison.
L'atelier & la boutique dans les dépendances
Mais pour mieux la comprendre encore et percer les mystères de la passion de Marc pour la poterie, je vous propose de vous faire découvrir son atelier, son antre, son refuge à mille lieues de tout pédantisme ou autre prétention.
Pour ce faire, j'ai décidé de le rejoindre à travers champs telle Laura Ingalls dans la petite maison dans la prairie. En quelques minutes seulement d'une revigorante promenade bucolique, je rejoins les dépendances de l'ancienne maison familiale.
D'abord la boutique où sont présentées les productions de Marc et une collection impressionnantes de pièces, puis le four et enfin l'atelier.
Les abords sont fleuris, tout en délicatesse comme au temps de sa chère maman.
Une transmission paternelle par les gestes et les mots
Cela fait cette année cinquante ans que ces bâtiments vivent au rythme du tour. Déjà, son père avait appris le métier de potier de grès à la grande manière des anciens. produisait une poterie d'usage, sans effet de mode, vivante et vraie avec son tour et son four au bois. Il a eu à cœur de transmettre sa passion de la terre à son fils simplement, par les gestes et les mots.
Comme son père, Marc a choisi librement de travailler et de créer à son rythme en choisissant de vivre dans cette campagne qu'il aimait tant petit.
A croire que Saint-Exupéry disait vrai quand il remarquait ainsi : « L'amour, une fois qu'il a germé, donne des racines qui ne finissent plus de croître ». Sur ses conseils, il a dû tourner 7 tonnes de terre durant 7 mois, 7 jours sur sept, 7 heures par jour pour maîtriser enfin les gestes. Il est toujours « enraciné dans l'art de son père » aujourd'hui disparu.
Il aime toujours autant pétrir, triturer, malaxer, façonner cette terre, décorer la « peau des pots » parfois dans le silence rassurant du crépitement du poêle, parfois au son du rap ou du rythme de l'électro.
Il crée avec talent et pudeur avec une régularité impressionnante. Son atelier, il l'aime par-dessus tout, il le fait vivre. Il veut y prendre le temps avant que le temps ne le prenne. Mais prendre le temps ici et nulle part ailleurs.
C'est un homme d'ancrage, fier de ses racines. Il suit finalement les conseils d'Orelsan :
« Tu peux courir à l'infini à la poursuite du bonheur, la Terre est ronde, autant l'attendre ici. »
Bon choix. Le meilleur semble-t-il.
Magnifique! Un vrai supplément d'âme en effet....
RépondreSupprimerLe parfait équilibre entre la folie douce et le raisonné!!
Encore un lieu extraordinaire que nous ne pourrions connaître sans Gisèle !
Si ce n'était pas si loin je crois que je me mettrai à la poterie!
Merci! Merci!
De la vie, de la vie, de la vie... Quand elle renaît de la mort, elle est tellement plus tendre et audacieuse! Merci Gisèle pour cette découverte humaine et artistique.
RépondreSupprimerEncore bravo ! Gisèle c’est « dire » les choses, avec une grande sensibilité et un vrai talent… ce lieu est sublime et le personnage authentique…Magnifique !! MERCI
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