Acte II : Le Grand Guste, un air de famille qui souffle sur Marseille
Dans la famille «
cuisinier », je voudrais le grand-père, le chef Auguste Mure, dit le Grand
Guste. Dans la famille « restaurateur », je voudrais le petit-fils
Jean-Christophe Codaccioni, digne héritier de l’aïeul. Dans la famille
« décoratrice », je voudrais la mère, Martine Codaccioni. Bonne
pioche !
Une histoire de famille
Ce restaurant, Le Grand Guste,
sis dans le quartier Notre Dame de Marseille, est une véritable histoire de
famille comme je les aime et présente toutes les cartes d’un lieu convivial,
chaleureux où souffle un délicieux air d’antan revisité.
C’est le hasard qui m’a conduite
un soir d’avril au 31 boulevard Notre Dame. J’errais indécise en quête d’une
belle adresse dans ce quartier Vauban du 6ème arrondissement que
j’affectionne tant, où l’esprit village tranquille le jour se marie à merveille
avec une ambiance plus branchée le soir, où il fait bon prendre un verre entre
amis et déguster des tapas sous le regard bienveillant de Notre-Dame de la
Garde.
Mon guide me suggère alors de tenter ce lieu où les plats arrivent dans les
casseroles comme à la maison et où la déco est « complètement folle et
assumée ». Il ne m’en faut pas plus pour aiguiser ma curiosité.
Une décoration pleinement
assumée
Et je ne suis pas déçue : la
sobriété de la façade sur la rue est inversement proportionnelle à la douce
déraison pourtant rassurante qui plane à l’intérieur…
Merci Ô Dame Fortune
d’avoir guidé mes pas vers ce cocon rétro et intimiste où, une fois passé le
seuil de la porte, l’odeur des bons petits plats ravissent subtilement les
papilles…
Effectivement la salle assume
sans détour ses partis-pris déco. Personnellement, j’adore ! Un mélange
subtil de je ne sais quoi confère à ce lieu une atmosphère sympathique, simple
mais pas simpliste, old style mais pas ringarde, tellement charmante et
accueillante.
Est-ce la nuée d’abat-jours à
franges et d’opalines qui lui donne tant de caractère ?
Est-ce la pluie de
nasses en osier garnies de plantes qui lui garantit ce côté si singulier ?
Est-ce ce long comptoir en granit blanc qui lui assure une entrée si
conviviale ?
Sont-ce ces chaises de bar en canevas signé Boboboum qui lui
accordent tant de cachet ? Je ne saurais dire…
Quoiqu’il en soit, tout me plait
et j’ai du mal à m’asseoir et à me poser pour consulter la carte. D’autant plus
que je remarque au fond un patio qui ne demande qu’à se découvrir :
vivement les beaux jours…
J’ai envie de tout scruter dans les moindres détails,
d’examiner chaque cadre photo, chaque affiche. Léonard de Vinci ne disait-il
pas en son temps : « Les détails font la perfection, et la perfection
n’est pas un détail » ?
Une carte généreuse
Je me pose enfin à une petite
table accolée au mur orné de ce si joli papier peint floral un brin désuet et
m’assure que depuis ce poste d’observation, je pourrai, au fil de la soirée
tout apprécier.
La carte m’est donnée, glissée dans une bande-dessinée :
un détail qui confirme bien que ce restaurant n’a rien de conventionnel…
Je pioche dans les plats du
« Gueuleton du soir » et à la lecture de la carte, je sais, vu
l’énoncé des mets, que je ne me suis pas trompée d’adresse. Ici semble régner
la bonne chère, la vraie bonne cuisine, celle d’autrefois, la traditionnelle,
la vraie.
Ici, on mange au gré des saisons des tartines de boudin aux noix, des
quenelles de brochet sauce Nantua, de la daube de joue de bœuf, des fricassées
de lapin à la moutarde ou de poulet au vin jaune, des œufs pochés à la
florentine crème ciboulette et même des vols au vent financière de volaille.
On
peut aussi se laisser tenter par une déclinaison comptoir avec un florilège de
recettes maison à partager entre amis. Mais le clou du spectacle se situe
derrière la verrière de la cuisine.
Une magnifique rôtisserie y fait dorer sous
vos yeux ébahis, selon la carte, cochons de lait, carrés d’agneau de Provence
ou tout autre viande que le chef Yves Clucher aura décidé d’embrocher.
Bref, tout n’est que générosité.
J’ai l’impression de voir défiler tous les plats du terroir que me servait ma
grand-mère Gisèle le dimanche.
D’ailleurs pour penser à elle, je commence par
une douzaine d’escargots, cela fait une éternité que je ne me suis pas laissée
tenter!
La légende du Grand Guste
La commande passée, je reprends
le temps de sonder chaque détail : les tables sont dressées avec des
assiettes de porcelaine dépareillées, des couverts en argent chinés et des
tapisseries anciennes encadrées.
Mais ce qui attire mon attention, c’est un
menu sur tissu d’époque provenant du restaurant « La Poularde » à
Montrond-les-Bains. Non mais pincez-moi, je rêve !
Je suis en week-end à
Marseille, je découvre par hasard un restaurant parmi des centaines d’autres,
je m’assois à une petite table contre le mur parmi des dizaines d’autres et je
me retrouve nez à nez avec un menu qui a plus de 30 ans, tout droit sorti d’un
restaurant de la région de mon enfance !
Ma chère grand-mère me disait
tout le temps : « Ma chérie, il n’y a jamais de hasard ». Elle
avait toujours raison ! A partir de là, mes yeux vont et viennent sur le
mur décoré de photos de famille en noir et blanc, de vieilles cartes postales
de Saint-Etienne et de sa région, ma région.
Ma curiosité est trop forte et me
pousse à en savoir plus auprès du patron lui-même, Jean-Christophe.
Le menu
mystère accroché au mur comme un trophée est le repas servi pour le mariage de
ses parents Martine et Michel par son grand-père, le fameux chef stéphanois
Auguste Mure, le Grand Guste, qui a œuvré également au Central et au
Chateaubriand!
Toutes les pièces du puzzle s’assemblent et j’aime encore
davantage cet endroit.
Un livre de recettes en héritage
En fait, Jean-Christophe a
imaginé ce restaurant pour mettre à l’honneur la cuisine de son grand-père.
Selon la légende, mais en est-ce une (?), les plats servis s’inspirent du vieux
livre de recettes, aux allures de grimoire, légué par l’ancien de la famille.
Le petit-fils aurait reçu en héritage ces recettes traditionnelles qui n’ont pas de
prix mais surtout ce fameux art de vivre que l’on retrouve au 31 boulevard
Notre-Dame. Je crois que le cadre chaleureux réside dans cette transmission de
la pure tradition familiale.
L’esprit d’Auguste veille sur son
descendant, c’est certain. Mais non loin de là, c’est aussi la Bonne Mère qui
veille sur cette belle adresse marseillaise.
Dans la famille restaurateur, je
voudrais le petit-fils Jean-Christophe, digne héritier du « Grand
Guste ». Bonne Pioche !
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