Acte II : La Casa Ortega à Marseille, mi casa favorita
« Le séjour à
Marseille m’a formé le caractère. Je suis disposé à prendre tout en gai et je
guéris de la mélancolie. » A l’image de Stendhal, j’ai moi aussi guéri de la mélancolie
en séjournant à Marseille et mon premier remède ne fut pas un pastis mais la
Casa Ortega.
En sortant de la gare Saint-Charles de nuit, je n’ai eu que
quelques pas à faire pour rejoindre le haut de la rue des Petites Maries et
pousser la porte de ma guesthouse.
Avant d’entrer, j’ai
pris tout de même le temps d’observer la façade de la maison dont une partie
est carrelée façon Azulejos, mais sans motif… J’ai senti que j’allais voyager,
que cette maison d’hôtes urbaine ne serait pas comme les autres. Et j’avais vu juste.
L’agitation de la rue s’est envolée à la
seconde même où la porte s’est refermée et une atmosphère chaleureuse et singulière
m’a comme happée. La sympathie, le style et la simplicité de Caroline, la
propriétaire, m’ont de suite enchantée.
Derrière la façade, rien ne laissait présager de cet
intérieur singulier. A la
réflexion, c’est un peu comme la surprise d’un œuf Kinder : on connait
le goût du chocolat autour de la petite boîte jaune mais on ne peut pas
imaginer quel cadeau on aura à l’intérieur. La Casa Ortega est une belle
surprise, la rencontre avec Caroline, un joli cadeau.
Le lobby mélange à la fois un univers fifties doté d’un
esprit bistrot, le tout pimenté par des objets chinés à l’envie. Je sens d'emblée que
dans les jours à venir, je vais prendre plaisir à buller dans cet espace et ce,
dès le petit déjeuner. En tout cas quelques minutes ici et déjà l’impression
confortable d’être comme à la maison.
Alors dernier effort de la journée, j’emprunte l’escalier
écarlate accompagnée par mon hôte.
Je repère sans vraiment repérer des affiches d’un
certain Juan Sebastian Ortega qui m’intriguent et attisent ma curiosité.
Je
découvre enfin ma chambre, spacieuse, à la décoration pêchue, déroutante et
rassurante à la fois. L’ambiance y est délicieusement surannée mais infiniment
actuelle.
Le papier peint est audacieux mais tellement stylé ! La
décoration de la chambre voisine est tout aussi étonnante et harmonieuse dans
des tonalités de moutarde.
C’est l’exemple même d’une décoration dont on rêve
mais que l’on n’oserait jamais afficher dans son propre intérieur. Caroline l’a
fait pour nous : mon dieu que c’est bon à vivre!
A cet instant, je n’ai encore vu ni le
vieux port, ni la Cannebière ni même dansé le Mia, mais je baigne dans un cocon
orangé délicatement tamisé par des luminaires vintage. J'admire de ma fenêtre la petite cour
ombragée au milieu des toits et cela suffit à mon bonheur du jour…
La nuit, une
« cancion infantil » vient bercer mon sommeil de ses douces
paroles :
« Estamos invitados a tomar el
té.
La tetera es de porcelana
Pero no se ve
Yo ne sé por qué… »
Rêve ou
réalité ? Yo no sé.
Au petit matin, les rayons du soleil ont fait changer les
tonalités de la chambre : le rouge corail chaleureux est devenu un rouge Bourgogne
élégant et ce n’est pas pour me déplaire. Les couleurs varient au gré de la lumière du jour...
En empruntant l’escalier grenat je crois
percevoir des airs de Flamenco mais ce doit être mon esprit qui me joue encore des
tours…
L’instant petit-déjeuner ne fait que confirmer les bonnes
ondes de la veille. Copieux et varié, tout est proposé pour faire plaisir aux
invités en toute simplicité.
Mais ce qui est le plus délectable, ce ne sont pas
les yaourts maison, ni les mini viennoiseries ou la confiture, c’est la
compagnie de la pétillante Caroline, toujours là pour vous conseiller un petit
endroit pour boire un verre, pour dégoter un resto caché exquis, pour découvrir une
boutique à tomber ou pour assouvir une irrépressible envie d’expo d’art !
Et ce n'est pas Boomerang, le chat de la maison qui dira le contraire…
Caroline est l’ambassadrice rêvée de sa ville de Marseille au charme sincère et se plait à partager son « vivre ici », comme elle le dit si bien, et ses bonnes adresses.
Caroline est l’ambassadrice rêvée de sa ville de Marseille au charme sincère et se plait à partager son « vivre ici », comme elle le dit si bien, et ses bonnes adresses.
Au
fil de la conversation et entre deux éclats de rire, elle nous aide à nous
orienter sur un plan et à aiguiser notre curiosité concernant des visites
impromptues. Car la Casa Ortega est idéalement située pour découvrir l’âme de
sa ville.
Elle est à deux pas du quartier si pittoresque du Vieux Panier, du
Vieux port si animé et si charmant, du Cours Julien version street art si
coloré et si vivant ou du MUCEM si majestueux et si élégant !
Mais en parlant de curiosité et avant même de dévaler les
ruelles, de bronzer à une terrasse, de jouer aux cartes avec Marius ou de prier
la Bonne Mère, le mystère « El Ortega » qui plane dans cette maison
rouge aux accents hispaniques dès l’entrée doit être élucidé.
Il aurait été
l’un des plus grands joueurs de castagnettes dans la période dorée des années 1947-1961, appelée la fameuse « Carretillia di Oro »…
Tout s’explique dès lors : les
affiches, le cartel sur la façade, les murmures à travers les murs et les
mélodies endiablées en filigrane dans l’escalier ! Cette maison a véritablement une âme
et le doux cliquetis des castagnettes argentines vient rythmer au 46 rue des
Petites Maries le doux chant des cigales.
La légende veut que ce musicien
virtuose ait débarqué à Marseille en 1952 avec sa promise, la jeune Louise
Granier, cadette d’une grande famille française venue faire fortune en
Argentine, pour fuir Buenos Aires… et un beau-père peu enclin à cette union.
Don’t cry for me Argentina ! Ils auraient vécu, tels Roméo et Juliette mais dans une version plus jamon et tortillas, à cette adresse, au son des guitares, de 1951 à 1957.
Ce fut selon la légende, et on a tous envie d’y croire, le rendez-vous des
musiciens et des artistes de passage. D’aucuns disent qu’on y aurait même vu
Picasso, Hemingway ou Django Reinhardt !!!
Je comprends mieux alors cette décoration aux accents du
Grand Sud, insufflée tout d’abord par l’architecte David Karoubi et
délicatement personnalisée par Caroline Contoz qui excelle décidément dans l’art de
recevoir. Le mythe El Ortega et les tonalités de la décoration branchée du lieu
nous transportent dans un imaginaire flamboyant.
J’approuve le constat de Flaubert qui disait qu’à Marseille, « on respire content, la peau se dilate
et hume le soleil comme un grand bain de lumière. »
Après mon séjour à Marseille, je prends tout « en
gai » et je suis guérie de la mélancolie grâce aux bonnes ondes de cette maison d'hôtes et de la bonne humeur communicative de sa propriétaire…
Car le cœur de Marseille bat dans ses quartiers populaires…
et dans la Casa Ortega, mi casa favorita.
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